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Parenthèse

Nouvelle publiée dans le cadre d’un prix littéraire – Octobre 2020.

Ce soir là, je n’avais pas décelé sa présence. J’étais déjà partie. Loin. Ce n’était pas la première fois. Souvent, quand le besoin impérieux de me retrouver se faisait sentir, je partais me ressourcer loin des sentiers battus.

Dynamisme, joie de vivre, rêves devenus accessibles ne me quittaient pas et me transportaient tout au long du voyage.

C’est seulement sur le chemin du retour qu’ils laissaient insidieusement place aux doutes et questionnements hostiles, prémices de mon désenchantement.

S’en suivait cette phase de retour à la vie réelle qui se terminait invariablement de la même manière. Projets et idéaux mis à mal, stoppés, au mieux reportés. Je regagnais mon quotidien la mort dans l’âme. Je détestais quitter ces lieux d’évasion qui m’insufflaient tant d’énergie, je me promettais de revenir bientôt mais ne le faisais que rarement.

A chaque fois, en un clin d’œil, la vie savait comment reprendre son cours rapide et fractionné. Moi, docile spectatrice, en suivais le mouvement de balancier qui oscillait sous mes yeux résignés. Toujours la même litanie, ce sentiment d’inachevé et de gâchis me laissait triste et en colère.

Pourquoi serait-ce différent cette fois-ci ? Peut-être parce que je n’avais pas choisi cet endroit au hasard. Je savais qu’en cette saison, les touristes n’auraient pas encore envahi les abords de ce lac que j’affectionnais tant enfant.

Aujourd’hui, ses eaux cristallines ne semblaient n’être là que pour moi. Heureux présage d’un instant propice aux grandes décisions.

Seul le bruissement des roseaux sauvages balayés par le passage d’un héron, et le glissement élégant d’un cygne à l’origine d’un doux clapotis de l’eau perturbaient le rythme de mon cœur et de mes pensées. Les yeux perdus dans ces eaux claires qui avaient toujours eu sur moi des vertus apaisantes, je demeurai longtemps immobile, devinant enfin sa présence toute proche et son regard posé sur moi.

Ce n’est que lorsque le soleil passa derrière la montagne que je fus tirée de ma contemplation par un vent frais qui me fit frémir. Je ne savais pas du tout quelle heure il était et pour une fois ce n’avait pas la moindre importance. J’étais naturellement bien, en cet endroit et en cet instant, et j’avais juste envie de profiter encore un peu de ce temps suspendu.

– N’abandonne jamais tes rêves, je crois en toi, me murmura celle qui était venue s’asseoir à mes côtés, m’enveloppant de ses bras.

– Cette fois, je n’abandonnerai pas, et je serai heureuse, je te le promets, eus-je à peine le temps de lui confier avant qu’un timbre de voix enfantin m’extrait lentement de cet instant si précieux.

– Maman, c’est l’heure de te réveiller, j’ai ouvert grand la fenêtre, regarde comme il fait beau dehors, le vent a balayé les nuages.

Doucement, je balayais à mon tour une mèche des cheveux de ma fille pour dévoiler ses yeux en amande, et voir apparaître dans son regard cette malice dotée de cette même intensité que j’avais retrouvée cette nuit auprès de ma mère l’espace de quelques heures.

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