Quand je serai grande …
« On passe la moitié de sa vie à escalader une échelle, et l’autre moitié à se rendre compte qu’on l’a adossé au mauvais mur » . Jung
Certains auront tendance à donner à cette phrase une connotation négative, se rendant compte, la mort dans l’âme, qu’elle résonne en eux et sonne juste, sans pour autant se décider à faire bouger les lignes.
Pour d’autres, elle pourra être le point de départ d’un questionnement, d’échanges, les prémices d’un choix, ou de revirements bousculant des situations qu’ils pensaient pourtant immuables.
Quelle que soit la réaction que cette citation provoquera à sa lecture, elle ne suscitera pas l’indifférence.
J’ai pour ma part vu ma vie sous un tout autre jour le matin où j’ai lu ces mots pour la première fois, et décidé qu’il était hors de question que je passe cette seconde moitié de vie à me rendre pleinement compte de ce constat chaque jour, chaque heure et chaque seconde sans réagir.
J’ai ainsi choisi de ne plus laisser le temps s’écouler et laisser filer avec lui ma passion.
Et c’est ce qui a motivé mon changement de vie et acté définitivement mon envie de reconversion présente depuis bien plus longtemps que je ne voulais l’admettre.
Bien sûr, ce processus se fit non sans heurts, non sans questionnements, remises en causes permanentes et hésitations avant d’arriver, le temps passant, à faire taire cette petite voix négative conditionnée par mon aversion au risque qui m’empêchait d’avancer.
Et puis, un jour, j’ai décidé de m’écouter davantage, de me souvenir de l’époque où mon imaginaire était plus vif et moins pollué par les aléas de la vie, et j’ai replacé dans ma mémoire ce souvenir heureux qui ne m’avait jamais quitté lorsque j’étais, enfant, devant ma machine à écrire.
Oui, il était une fois une petite fille souriante mais réservée qui, à tout juste quatre ans, à la question mille fois posée « que veux-tu faire plus tard ? », répondait inlassablement, invariablement « quand je serai grande, je serai écriveuse ».
Depuis lors, j’ai toujours aimé jouer avec les mots, j’ai toujours voulu écrire et mettre cette magnifique forme d’expression artistique au centre de ma vie.
Et pourtant, je suis devenue avocate, profession qui pour des raisons bien différentes fait elle aussi couler beaucoup d’encre, tant certains n’ont de cesse de la critiquer, tandis qu’elle constitue pour tant d’autres un noble métier.
Un métier dont j’ai apprécié les aspects de rencontre avec les gens, d’aide que je pouvais leur apporter, et sans conteste cette communication écrite qui me plaisait le plus, mais dont le caractère souvent, voire toujours conflictuel, était devenu tellement pesant.
Il m’est apparu comme une évidence que ce manque de sens si fortement ressenti, associé aux incohérences de la machine judiciaire, ne correspondait plus à mes aspirations profondes.
Alors j’ai choisi le changement.
Aujourd’hui, une nouvelle page s’écrit.
Cette expression si banale est tellement vraie et parlante dans mon cas que je ne peux m’empêcher de l’adopter.
Aujourd’hui, je sais ce qui est ancré en moi, je suis « écrivain » ou plutôt « écriveuse ».
Et lorsque je suis devant ma page blanche, que mon esprit ne demande qu’à noircir de pleins et de déliés, mon dicton de sagesse favori est désormais :
« La motivation, c’est quand les rêves enfilent leurs habits de travail » B. Franklin
Finalement, peut-être que je suis enfin devenue grande.